Article written by Valeria Manzione, in French.

La construction européenne et la voix des régions
La construction européenne a longtemps été aveugle envers les régions. Elles ont petit à petit repris leur place. Voilà, synthétiquement, un point sur le développement du rôle de régions dans l’UE et après un focus sur le système italien.
La construction européenne a longtemps été aveugle par rapport aux collectivités territoriales. On a longtemps reconnu les États comme les « Maîtres » ou les « Seigneurs » des traités. Cet aveuglement, idée apportée pour la première fois par H. Ipsen, peut prendre différentes formes : d’un côté on peut considérer les régions (et les autres échelles de collectivités territoriales) comme les objets de l’action européenne, sans qu’elles puissent réellement et activement participer à la définition de ces mêmes politiques.
Néanmoins, les régions sont un objet d’intérêt pour les européens depuis les premiers pas de l’intégration européenne. En effet, le traité de Rome a notamment comme objectif de « renforcer l’unité de leurs économies et d’en assurer le développement harmonieux en réduisant l’écart entre les différentes régions et le retard des moins favorisées ».
Ce dernier objectif, qui est à la base de la politique de cohésion, a beaucoup joué pour stimuler la participation des régions en Italie. En effet, cela a créé un espace de mobilisation pour les acteurs régionaux qui doivent nécessairement s’intéresser à l’Union européenne pour pouvoir avoir accès aux subventions européennes. Ce n’est pas un hasard si, depuis la moitié des années 1990, avec un système renouvelé de coordination entre État et régions, il a été enregistré une augmentation exceptionnelle tant de la capacité d’engagement que de la capacité de dépense de fonds structurels.
Les régions italiennes participent donc activement dans la définition de la position européenne de l’Italie, dans les matières relevant de leurs compétences et surtout à travers le mécanisme de la conférence Etat-région, un système de coordination entre les deux niveaux de gouvernement. De plus, lorsqu’elles doivent transposer directement une législation européenne, elles le font dans le cadre de lois régionales ad hoc.
Et qu’en est-il de la voix européenne des régions italiennes ?
Mais quelles sont ces régions italiennes ? Elles sont au nombre de 20 dont certaines d’entre elles sont à « statut spécial » (article 116 Constitution Italienne) et jouissent d’une autonomie plus prononcée — le Frioul-Vénétie Julienne, la Sardaigne, la Sicile, au Trentin Haut- Adige/Tyrol du Sud Val d’Aoste. Quant aux rapports avec l’Union européenne, la Constitution de la République offre un cadre assez clair. La réforme constitutionnelle de 2001 a notamment renforcé la décentralisation en spécifiant les compétences propres de l’État, celles des régions et celles partagées entre les deux échelles d’autorité. Spécifions nos propos sur l’article 117 novellato qui reconnait, entre autres, au niveau constitutionnel le célèbre principe reconnu par la jurisprudence européenne de Costa/Enel (1966). Cet article, outre définir les compétences pour chaque niveau de gouvernement, déclare également la primauté du droit de l’Union européenne : « Le pouvoir législatif est exercé par l’État et par les Régions dans le respect de la Constitution de même que des engagements qui découlent de l’ordre communautaire et des obligations internationales ». Toutefois, le fait que ce principe soit inclus dans la réforme de 2001 ne veut pas dire que l’Italie ne l’appliquait pas avant. Bien entendu, pendant des années, il y a eu en Italie — comme dans d’autres États membres— un parcours de la jurisprudence constitutionnelle qui offrait une interprétation de plus en plus large de la loi fondamentale de l’État pour faire en sorte de se conformer au principe. Ainsi, dans le cas italien, on a notamment poussé sur l’article 10, alinéa 1 : « L’ordre juridique italien se conforme aux règles du droit international généralement reconnues (…) ». L’article 117 nous raconte également que les régions participent entièrement, dans les limites de leurs matières de compétences, à la définition et à la mise en œuvre des politiques européennes. À l’État reste la charge de définir les modalités et les procédures de participation des régions à la formation et à la mise en œuvre des actes normatives communautaires. En revanche, l’État ne peut se substituer aux régions dans les domaines de leurs compétences que dans des cas très précis, définis par l’article 120 de la Constitution.
Les régions italiennes participent donc activement dans la définition de la position européenne de l’Italie, dans les matières relevant de leurs compétences et surtout à travers le mécanisme de la conférence Etat-région, un système de coordination entre les deux niveaux de gouvernement. De plus, lorsqu’elles doivent transposer directement une législation européenne, elles le font dans le cadre de lois régionales ad hoc.
Toutefois, les régions italiennes divergent tout de même dans leur rapport au projet européen. Cela s’observe par l’évocation de l’Europe leur statuts, entre celles qui ne l’évoquent pas, celles qui l’évoquent avec modestie et celles qui, à l’inverse, l’évoquent peut- être trop comme le statut de la Région Latium dont le statut nous dit, avec poignante spinellienne mémoire: « La Région promeut l’unité nationale ainsi que, inspirée par les principes contenus dans le Manifeste de Ventotene pour une Europe libre et unie, l’intégration européenne en tant que valeurs fondamentales de sa propre identité. »
Cet article a été donc pour moi de vous présenter une première approche afin de comprendre de façon générale la place de régions dans le rapport du système italien à l’UE, et notamment à travers la lecture de la Constitution. Cependant, ce ne représente que le début de l’analyse de la place de régions dans le système européen, qui nous continuerons dans les prochaines éditions !
Article published on June 2020